La sixième conférence qui a clôt les activités scientifiques en ligne du PTR-LSCC a eu lieu le 25 juin 2022, de 9h30 à 11h45. Elle a eu pour titre : « L’Afrique et la difficile réinvention de son histoire : L’effet acculturatif en question. » Elle a été donnée par le Professeur Pierre Dominique NZINZI, Recteur honoraire de l’université Omar BONGO de Libreville au Gabon.
D’entrée de propos, le conférencier a situé le cadre de sa présentation en rappelant que l’Afrique, du fait de la colonisation, s’est marginalisée et fragilisée à cause de sa faiblesse à se réinventer et à se récréer dans son rapport avec les autres mondes. Cette faiblesse a engendré une fracture sociale, une aliénation et une acculturation qui s’expriment par la valorisation de ce qui vient d’ailleurs au détriment de ce qui existe chez soi.
Prenant le cas spécifique du Gabon, le Professeur NZINZI a constaté que tous ceux qui sont scolarisés et même ceux qui ne le sont pas préfèrent s’exprimer en français et non dans les langues locales, parce que parler cette langue étrangère est signe de prestige sociale et intellectuelle. Cet effet pervers de l’acculturation maintient dans l’ignorance de sa propre culture. C’est une participation active à l’aliénation structurée par un complexe profond, a soutenu le conférencier. Cet état de fait suscite des inquiétudes au niveau des chercheurs, en particulier, les spécialistes des Sciences du langage, quant à l’avenir des langues locales parlées au Gabon. Pour y remédier, certains ont proposé une refonte de la pédagogie fondée sur l’enseignement des langues nationales pour se replonger dans un environnement socioculturel qui s’inspire de la vision du monde des communautés nationales et valorise les savoirs endogènes. Cependant cette démarche, bien qu’elle ait été soutenue par de multiples états généraux de l’éducation, se heurtent non seulement à la décision politique qui retarde leurs mises en œuvre effective, mais également, au plurilinguisme et à l’absence de langue nationale au Gabon.
Cette approche étant historiciste, le Professeur NZINZI suggère une autre façon d’aborder la résolution du problème, non seulement à l’échelle gabonaise mais aussi à l’échelle continentale. Convaincu qu’une partie des traditions africaines périront d’elles-mêmes face à l’ouverture du continent à d’autres mondes, le conférencier pense qu’il faut aborder cette problématique à partir d’une logique positiviste pour laquelle la science doit jouer un rôle décisif. L’effet déculturatif consisterait donc en un questionnement scientifique qui associerait la prise en compte des traditions africaines, et en particuliers les traditions linguistiques, avec les savoirs venus d’ailleurs afin de réinventer le sujet africain. Cette base rendrait ainsi possible l’offre épistémologique de l’Afrique au monde sur la base de ses propres savoirs. Prenant appui sur la pensée philosophique de Paulin J. HOUNTONDJI, le conférencier a estimé que la réinvention de l’Afrique ne peut tenir sur une critique historiciste. Bien au contraire, c’est à un tri axiologique qu’il faut recourir, pour s’approprier les savoirs endogènes africains sur des bases scientifiques, afin de préserver l’originalité de l’Afrique et garantir sa contribution à la pensée universelle.
Pour la cellule Edition
Dr. Mori Edwige TRAORE