L’activité « Les samedis du PTR-LSCC »,), était ce samedi 30 Avril 2022 à son quatrième rendez-vous avec le Professeur Rémy Bazenguissa Ganga (Congo). En rapport avec le programme thématique du PTR « LA RECHERCHE EN TERMES AFRICAINS. DOCTRINE(S), OBJETS, EPISTEMOLOGIE(S), STRATEGIE(S) ET ATTENTE(S) », le conférencier a proposé une réflexion intitulée : « L’Africain du continent et la Science ».

Abordant l’axe initial de l’exposé en rapport avec la science et la question de la découverte de l’Afrique, le conférencier a passé en revue les notions d’invention et de découverte de l’Afrique, la colonisation et le nomos de la terre, le roi des belges et le lancement du « scramble for africa » à la conférence de Berlin (1884-1885), la dissonance catégorielle, la géographie et l’ethnologie, dépendance épistémique / domination épistémique, la nouvelle totalité et l’importance de la mobilité pour appartenir au monde commun. Enfin, la nécessité d’une émergence de « l’Africain-africain », celui qui demeure dans l’Afrique épistémique en démarcation de l’Africain-Américain des Amériques, l’Afropéen de l’Europe.
Après ce balisage historico-conceptuel, la seconde articulation de la conférence a mis en lumière l’existence en Afrique, d’une catégorie d’humains aptes à revêtir l’autorité de scientifique, dit africain. Cette catégorie appartenant à ce que le conférencier désigne ‘’Afrique épistémique’’ diffère de l’Afrique continentale, mais renvoie à l’ordre interne des connaissances qui manifeste l’intégration de l’Afrique à un monde commun. Ainsi, deux exemples éloquents de la présence africaine dans le champ épistémique sont convoqués. Le roi Kongo au XVIè siècle et le philosophe africain Antoine-Guillaume Amo, au XVIIIè siècle, un natif de la Côte d’or, qui après une formation en Allemagne adopta et imposa une perspective africaine dans le champ disciplinaire mondial de la philosophie. Pour le Professeur Rémy Bazenguissa Ganga, l’affirmation des Africains dans le champ épistémique obéit à trois séquences de transformation que sont : l’arrachement au pays natal, l’expérience dans l’occident épistémique et, enfin, le retour. A ce titre, il n’est donc pas surfait d’objectiver des positions de promoteurs et promus par l’Afrique épistémique.
La troisième partie de la conférence s’est appesantie sur la production comme scientifique de l’Africain-africain dans l’Afrique épistémique. Le conférencier s’appuie sur des données d’Afrique centrale où, affirme-t-il, a commencé la colonisation. Dans ce sens, il identifie des figures promotrices de l’Afrique épistémique que furent les missionnaires et l’administration (coloniale et l’état post-indépendance) d’une part, et de l’autre, les promus : indigènes, esclaves et citoyens. Les acquisitions de compétences cognitives et de savoirs liés à la religion, l’abstraction et l’administration sont portés à un niveau paroxysmique par la certification et la diplomation, d’où l’importance des concours et diplômes, l’internat et le système de confiage.
En conclusion, le conférencier a estimé que face au déni de compétences cognitives et scientifiques aux Africains-africains, la réponse est évidente et complexe. Ce pourquoi, il partage l’idée de Mudimbé selon laquelle répondre à l’universalisme historique de l’Occident épistémique ne signifie pas de revenir à un passé intact, mais plutôt de s’appuyer sur le présent historique, c’est-à-dire, sur la réalité qui s’est configurée depuis la fin du XIXè siècle, à savoir la colonisation, dont les effets perdurent jusqu’à maintenant. L’idée du continent africain étant floue, le présent historique peut valablement convoquer les pôles d’excellence scientifique que furent l’Egypte et l’Ethiopie, lesquels démontrent que depuis au moins cinq siècles les Africains sont fascinés par la science. Enfin, le conférencier a conclu en affirmant que « l’africanité épistémologique n’est concevable que dans le présent historique. Elle est faite de signes d’insertion dans le monde commun dans un contexte historique particulier ».
Dr. Konan Richmond Alain Membre de la cellule édition du PTR-LSCC